LA LIGNE, Les carnets d'un autre temps no2

C’est un de mes correspondants sur le web qui me signala cet exceptionnel objet architectural. Un viaduc de 18km, magistral, monumental, sans aucun usage ni accès. Partant de nulle part pour mener à rien, il impose sa monumentale présence sur la plaine beauceronne, entre Paris et Orléans.
Vestige du génie de l’ingénieur Bertin, qui sut convaincre jusqu’au sommet de la République de la pertinence de son projet d’Aérotrain, devenu extravagant aux yeux de ceux qui signèrent son arrêt de mort pour mieux lancer les TGV, cet ouvrage sort bel et bien de l’ordinaire.
Futuriste lors de sa conception, il l’est encore… Dessiné avec talent, il interpelle. Sa silhouette anachronique fonctionne comme une sorte d’installation de Land Art oubliée, préfigurant la manière dont nos infrastructures, devenues vestiges, pourraient un jour être vues, par d’autres, dans un autre temps.
Ce viaduc pourrait être monument historique, attraction touristique, il est pourtant à l’abandon. Sectionné par la construction d’une autoroute, puis par un accident avec un véhicule agricole, il semblerait qu’il gêne… mais résiste, le coût de sa démolition serait colossal… En 2015, on lui décerne le label «patrimoine du XXe siècle».
Mais certains se souviennent encore de l’étonnante aventure industrielle menée par l’ingénieur Jean Bertin et son Aérotrain à coussin d’air, qui, dans les années 1960, se déplaçait sans plus de frottement, comme en lévitation, sur une première ligne au sol, entre Gometz et Limours près de Paris, puis sur ce viaduc, où il dépassa les 400 km/h. Parmi ceux-ci, une association de passionnés conserve deux des prototypes de Jean Bertin et m’ouvrit les portes d’un hangar où d’autres entretiennent avec passion des véhicules issus de la Seconde Guerre mondiale.